Neuf valises
Posté par belledenuit le 4 février 2010
Auteur : Béla Zsolt
Editions : Seuil (2010)
Nbre de pages : 412
Présentation de l’éditeur :
« Voilà comment, d’une seule phrase, j’ai tué quarante-neuf personnes. » Béla Zsolt ne s’épargne pas. Et pourtant, le sort non plus ne l’a pas épargné, lui, le juif hongrois qui a quitté la France en 1939 pour retourner dans sa patrie, autant dire dans la gueule du loup. Ces mots terribles illustrent le quotidien du front de l’Est, où il sert dans une unité de travaux forcés comme tant de ses coreligionnaires. La prochaine étape de sa destinée est le ghetto de Nagyvarad, où il attend avec sa femme son transfert vers les camps de la mort. Le couple est sauvé in extremis mais le calvaire n’en est pas fini pour autant. Une nouvelle arrestation puis un internement à Bergen Belsen suite au marchandage de Rezso Kasztner avec les nazis précéderont leur départ pour la Suisse et leur libération définitive. Libération ? Comme tant de rescapés de la solution finale, Zsolt est hanté par ces années vécues au bord du gouffre. Il nous livre ici un récit d’exception, écrit à chaud au fil des persécutions, un » témoignage-reportage » sans concession aussi glaçant qu’émouvant.
Mon avis :
Neuf valises est un témoignage de Béla Zsolt sur les conditions de vie et de détention des juifs en Hongrie pendant la Seconde Guerre Mondiale.
La particularité de cet ouvrage réside dans le fait que sa parution, dans son intégralité, ne date que de 1980, soit près de 40 ans après les faits. Jusque là, seule une édition en feuilleton en 1947 avait été publiée dans le journal créé par Béla Zsolt lui-même : Haladàs.
L’auteur était un précurseur dans le genre de la littérature de l’holocauste. Neuf valises est le premier témoignage qui a été donné de faire dès après la fin de la guerre.
De nos jours, beaucoup de langues se sont déliées, beaucoup d’auteurs ont écrit mais Béla Zsolt fait bien partie des premiers à avoir montré l’horreur et la bestialité des hommes envers leurs congénères.
Sur ce point, l’ouvrage est intéressant puisqu’il nous permet de nous rendre compte de ce qu’il s’est passé en Hongrie qui était l’un des rares pays où les juifs n’étaient pas déportés en masse vers les camps de concentration pour y être exterminés, comme dans le reste de l’Europe Occidentale.
Ce pays préférait envoyer ces hommes en Ukraine en tant que travailleurs forcés sur le front.
L’ouvrage nous permet, au travers du texte narratif de Béla Zsolt, de vivre ces instants où ces hommes vivent dans des conditions atroces, souffrent de faim mais aussi de la rigueur du climat. Rien ne nous est épargné et certaines scènes de torture décrites sont difficiles à « digérer ».
L’auteur nous fait part de ce qu’a été son existence en Ukraine puis de celle vécue dans le ghetto de Nagyvaràd. Cela constitue la première partie de l’ouvrage.
Si le thème est forcément ardu par sa contenance, l’écriture de Zsolt, elle, ne tourne pas dans le pathos. Il écrit et décrit ce qu’il a vu, ce qu’on lui a raconté mais il ne met pas le lecteur mal à l’aise face à toutes ces barbaries.
Ce qu’il explique, par contre, et où j’ai ressenti comme un désarroi c’est comment il s’est retrouvé en 1939, alors que la guerre était en route, à retourner en Hongrie alors qu’il avait fui ce pays quelques mois auparavant pour se réfugier à Paris et de là vers d’autres destinations plus sûres.
L’histoire des « valises » y est pour beaucoup et j’ai bien senti qu’il leur en voulait à ces valises ! Bon nombre de fois, il y revient dessus.
Car si elles n’avaient pas été là, si sa femme n’avait pas insisté pour les garder, leur destin aurait pu être tout différent.
Dans l’ensemble, je dirai que comme tout témoignage, ce livre est à découvrir. On peut se rendre compte de ce qu’était la vie de ces juifs hongrois. Histoire que je connaissais pas.
De plus, il est complété par deux annexes qu’il est nécessaire de lire pour comprendre comment Béla Zsolt est passé de sa situation à la fin de la première partie à celle de la seconde.
Même si le genre narratif n’est pas celui que je préfère, il n’en demeure pas moins que l’oeuvre de Zsolt tient bien son rôle de devoir de mémoire.
Comme le dit Ladislaus Löb dans l’annexe 2 :
« Un demi-siècle plus tard, le sujet [la littérature de l'holocauste] a suscité une quantité considérable d’écrits, mais l’oeuvre de Zsolt reste unique.
En se concentrant sur ce qu’il a vécu au ghetto de Nagyvaràd et comme travailleur forcé en Ukraine, il offre un aperçu rare et extrêmement perspicace du fascisme hongrois, et brosse en même temps un tableau saisissant des abîmes de cruauté, d’indifférence, d’égoïsme, de lâcheté et traîtrise dont les hommes en général – les victimes comme les bourreaux – sont capables dans des conditions extrêmes, créées par les hommes eux-mêmes. (…)
Zsolt est non seulement un des premiers écrivains de l’holocauste, c’est aussi un des plus accomplis, soutenant la comparaison avec Primo Levi, Elie Wiesel ou Imre Kertész. » (p. 412)
Ce livre a été lu dans le cadre de Masse Critique organisé par Babelio que je remercie pour l’envoi.
J’ai aussi reçu ce livre de la part de Babelio, alors pour le moment je ne fais que survoler ton article ! J’attends quelques jours avant de me plonger dans une lecture de ce genre
Je note ce livre, mais je le lirai un peu plus tard, lorsque j’aurai digéré ma lecture récente de Primo Levy…
@ Livraison : Je ne manquerai pas d’aller voir ton avis quand tu l’auras lu alors
@ Marie : Oui il faut espacer ce genre de lecture. Primo Levi fait partie de mes envies mais je vais attendre un peu aussi
J’ai Primo Lévi dans mes challenges, donc je garde celui-ci pour plus tard.
En lisant ton billet, je pensais à Imre Kertesz dont j’ai lu plusieurs livres. Tout en ne doutant pas de son intérêt, je crois que je vais passer sur celui-là, j’en ai lu beaucoup et je sature un peu.
@ Véro : Il me faut moi aussi lire Primo Levi mais ça se fera un peu plus tard
@ Aifelle : Je te comprends tout à fait ! Je fais comme toi. Je lis des témoignages mais petit à petit et quand je sens que je peux supporter la lecture.
Je le lis actuellement pour l’opération Masse Critique et j’avance lentement, car le sujet est complexe et pas évident, dans la mesure où Béla Zsolt fait des allers retours entre ce qu’il vit sur l’instant et ce qui lui est arrivé avant, notamment son départ de la France en 1939 pour aider la Hongrie et entrer en résistance ! Je verrai ce que cela donnera lors de la rédaction de mon billet …
Même si je lis aussi un roman sur la seconde guerre mondiale, je laisse de côté les témoignages des survivants pour le moment. Ma lecture de Primo Levi m’a secouée en décembre.
@ Nanne : C’est vrai que les allers-retours ne facilitent pas la lecture. J’ai hâte de lire ton avis dessus.
@ Nanne : Je te comprends tout à fait. Moi, il me faut lire le Primo Levi mais ce sera pour plus tard
je passe, j’ai vraiment des difficultés à lire cette littérature! je n’ai même pas encore lu Primo Levi quelle honte!